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L’Aigreur
Thomas Day-Liss

Zoom avant sur la tripe chaude et fumante. Led Zeppelin crisse sauvagement sur sa Beretta en délire, le scalpel s'enfonce dans la merde, les ongles arrachent le boyau sanguinolent qui pend. La raclette écorche les lambeaux de vessie qui résistent.

Mamma Silva Poutine Productions® présente :
L'Heure du Boucher.
Cours par correspondance.

Leçon n°1 : Tabliers de sapeurs.

Ce soir-là, Bordo s'est mis nu pour les travaux pratiques. Juste un peu de Chanel - Egoïste ! Derrière les oreilles. Et du vernis noir sur les doigts de pieds. Il dispose avec amour autour de lui les crocs effilés, la grande sauteuse au manche lourd, le large coutelas à oreillettes... Frisson garanti. Il se sent prêt à dépecer, à trancher et à mordre.

Zabie choisit ce moment-là pour ouvrir la porte de la cuisine. Elle le regarde d'un air soumis, attendant les ordres. S'il y a des oignons à hacher, ce sera pour elle. Bordo adore la faire pleurer, la petite garce.

« Fous le camp, Zarbie. Je fais de l'art.

- Bordo... »

Il l'a déjà frappée, d'un cinglant revers d'une main barbouillée de sang. Elle a de la merde jusqu'entre les sourcils, ses larmes recommencent à couler.

« Fais pas chier, Zarbie. Attends que je te siffle.»

Il taillade, il éventre, il dépece. Le cochon gémit, dans les affres d'une agonie interminable, attaché sur la table les pattes en croix. Un peu de sel, maintenant, dans la plaie béante. Le cochon couine.

Mais Bordo n'est pas satisfait. Toute cette rage, cette haine, n'ont pas encore trouvé la voie royale pour s'exprimer. Il n'est encore qu'un petit éventreur de gorets, alors qu'il rêve d'apocalypse. Et de faire la une de Boyaux de Printemps, le vidéo-magazine de Mamma Silva Productions®.

Il décide de changer de look. Un tour dans la salle de bains, une douche rapide, une serviette rose nouée autour des reins. D'abord, trouver un nouveau nom, un nom classe. Un nom qui sonne comme Draculla, ou Vladivostoc. Prince Gizmic ? Comte Affer ? Quelle affaire. Va pour Gizmic, le psychédelic.

Il commence par se teindre en roux. Puis il coupe ses cheveux au plus près, ça fait comme un paillasson rouge. Il se dessine un grand trait de khôl autour des ailes du nez, et il va chercher la toile cirée de la cuisine. Il la découpe en triangle, avec un trou pour la tête. Il ressemble enfin à ce qu'il est vraiment, Gizmic. Très psychédélic. La toile est un peu courte, elle lui arrive juste au nombril. C'est ça qui lui donne l'idée.

Il retourne à la cuisine, et passe un coup de fil à Tirro, le journaliste qui se vend même aux moins offrants.

« Viens tout de suite, j'ai un joli scoop pour Mamma Silva Poutine. »

Il reste une petite place à côté du cochon. Gizmic s'allonge et attrape la plus tranchante des lames affutées. Il se fait une petite boutonnière, là, sous le nombril. Pas trop profonde, mais ça ruisselle tout de suite. Ca fait de grosses flaques rouges appétissantes. Il plonge sa main jusqu'au poignet et prend ce qui vient. C'est comme un gros tuyau élastique, c'est solide, plus solide que le cochon.

Il en sort quelques mètres, sans rien déchirer. Il peut commencer à décorer, avec du persil et quelques carottes. Il fait des nœuds artistiques, et cloue quelques morceaux sur la table pour que ça tienne.

Voilà. C'est très joli, maintenant.

Gizmic est prêt pour la photo. Ça devrait plaire pour le « Spécial tripes de Caen ».

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