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L’Amour au temps du chili pomme
Jean-Jacques N’Cuillière

« Nul n'a dirige l'eclosion du Club. Il a éclos sans que personne n'y soit pour rien. Il est né du regroupement de quelques citoyens dans des zones ensoleillées. Ceux-ci se sont emparés du pouvoir et du reste. L'origine de ce nom - le Club - demeure obscure. Certains disent qu'il vient de la tradition des « clubs de philatélie », d'autres de la structure élitiste des listes de diffusion (« les premiers clubs du faire-valoir »).
« Toujours est-il que le terme a survécu, même que les premiers Grecs s'en servaient. L'agora était le parfait club, fermé à tous sauf a ses adhérents, étanche aux influences extérieures (et non pénétrantes). [...] Cette origine sybilline a permis au Club de se transformer en usine à ressentiment et à esclavagisme.»

Petula Clarking
Du Rhône à la Méditerranée, cartographie du XXe siècle.

J'aurais voulu bronzer loin de ma mère. Mais elle était là, toujours envahissante, à tenter de me gaver d'olives fourrées à l'amande.

« Maman, laisse-moi tranquille.

- Il parle ! s'est-elle exclamée. Vous entendez, masseur ?

- Votre fils ne parle pas. Pas encore. Il dit, ce n'est pas pareil.»

Bien sûr, les gentils masseurs ne pouvaient admettre l'emploi d'un langage négatif. Pourtant, je devais reconnaître qu'il avait belle allure, avec sa peau huilée et son short coloré. Mais où était donc Koko, mon cuisinier mexicain ?


Quelques jours plus tard, je retrouvai la parole.

« Délicieuse Maman, aurais-tu idée de ce que Koko est devenu ?

- Koko ? Quel Koko ? »

Elle eut l'air troublé, elle me cachait quelque chose.


Je revins chez moi apres avoir repoussé les avances du masseur et d'autres gentils oiseleurs. Lyon-la-Balnéaire me semblait plus oppressante que jamais. Tous ces ateliers de vannerie et de danses « folkloriques » (comme la danse des canards) me montaient à la tête. Il fallait que je trouve Koko, cuise que cuise.

Bien entendu, ma mère avait redécoré en mon absence. Elle ne supportait pas mon goût pour la cuisine épicée et avait remplacé toutes mes fioles de chili par des flacons de cannelle et de sucre vanille.

Pourtant, je trouvai un livre de cuisine dont une des pages écornées recelait peut-être un indice. La recette concernait le Chili-Pomme, et une adresse en bas de page indiquait un établissement hors-club. Je decidai de m'y rendre.


Je ne reconnus rien. Ce n'était pas l'établissement de Koko que je trouvai mais un boui-boui vendant des pommes-frites sans chili.

En m'aventurant dedans, je me reconnus dans un miroir.

« Tu t'es eu », me dis-je avec un sourire narquois.

À côté de moi, ou plutot lui qui se disait moi, il y avait un grand type maigre et frisé.

« C'est pas Koko! » m'indignai-je.

« Koko ? Hum, heureusement pour Afirmin. Il ne saurait cuisiner pour deux personnes.

- Il est où, Koko ?

- Dans ma culotte. Non, sérieusement, tu l'as inventé parce que notre mère essaie de te ramener dans la ligne du club. Pas de trucs épicés, juste de la cuisine de fast-food.»

Oui, il avait raison. Elle m'avait fait subir de multiples lavages de cerveau et d'estomac. À chaque fois, la personnalité d'avant restait dans un coin de mon esprit. Combien de temps allait-ce durer ?

Quand je revins, je reçus la visite du gentil masseur qui, de toute évidence, était amoureux de moi.

« Elle va recommencer. Tire-toi. »


Alors, heureux d'avoir trouvé une maniere de finir mon récit, je decidai de m'évanouir hors-club, là où l'on n'est pas obligé de faire le zouave pour plaire à ses pairs (de mêmes).

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